La promesse de l'aube
Suivant les bons conseils de Cyril, je viens d'attaquer "La promesse de l'aube" de Romain Gary après avoir terminé dans un tout autre registre "Expansion du domaine de la lutte" de Michel Houellebecq.
A la lecture des premières pages de ce roman, dans lesquelles l'auteur rend hommage à sa mère, je n'ai pu m'empêcher de penser au magnifique roman de Albert Cohen (diplomate de carrière comme Gary), "Le livre de ma mère" (qu'il faut absolument avoir lu au moins une fois pour prendre bien conscience de tout ce que fait une mère pour ses enfants).
Un passage en particulier m'a frappée par sa justesse et sa beauté formelle. L'auteur y évoque l'amour indépassable qu'il a recu de sa mère :
"Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune si tôt. Ca vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.
Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants." (p. 38-39)